Comment transformer sa passion pour les activités créatives en activité professionnelle rentable ? Dans cette interview, Mélanie Seynat aborde son propre parcours, et différents aspects pour aider à créer et développer une entreprise créative :
- L’étape d’élaboration du projet,
- Le rythme et le temps nécessaire pour développer l’activité,
- Les qualités ou compétences indispensables pour se lancer avec succès,
- Le “switch” de passion-loisir à une activité professionnelle indépendante, pour vivre de sa passion créative,
- Comment fixer les bons tarifs,
- Comment vendre quand on a peur de communiquer ?
- Comment surmonter la peur de l’administratif ?
L’invitée du jour :
Mélanie Seynat est l’autrice du podcast Fait Main : plus de 4 ans d’interviews de créateurs et créatrices. Ancienne directrice marketing et communication, elle s’est reconvertie dans l’accompagnement de futurs indépendants qui souhaitent se lancer dans une entreprise créative. Elle pratique elle-même plusieurs activités comme la broderie ou la carterie, en plus de son podcast, et également du podcast de la communauté Cultura. Son livre Mon entreprise créative est paru aux éditions Creapassions en 2023.
Cet article est une transcription partielle de l’interview de Mélanie Seynat. Il reprend l’essentiel, et l’intégralité de l’interview est disponible en version audio sur cette page ou sur toutes les plateformes de podcast.
Retour d’expérience : le parcours de Mélanie
Je suis directrice marketing et communication, et je suis en train de finir ma transition vers un nouveau positionnement, en passant à mon compte à 100 %. J’ai 42 ans, donc j’ai déjà une vingtaine d’années d’expérience sur ce poste-là et je crois que je me suis toujours dit au fond de moi qu’un jour, j’allais entreprendre, mais sans savoir vraiment pourquoi, comment, dans quelles circonstances, etc. Mais ça a toujours fait un petit peu partie de moi.
En plus, j’ai toujours baigné dedans avec mon père qui était artisan dans le bâtiment. Ça a été ma première expérience professionnelle l’été pour travailler, pour les déchets dans son entreprise, etc.
J’ai toujours été salariée. Et puis, il y a quatre ans, j’ai découvert les podcasts et je me suis dit « C’est trop bien, ça permet vraiment d’aller rencontrer des gens qui nous intéressent ». En l’occurrence, moi, c’était les créateurs et les créatrices que je suivais sur Instagram et je me disais, mais c’est trop bien ce qu’ils font ». Ils font ça toute la journée, ils sont payés pour, ils arrivent à avoir une rémunération pour leur travail créatif.
C’est excellent, mais comment ils en sont arrivés là ? Est-ce qu’ils arrivent à en vivre ? Il y a ce qu’on voit sur Instagram ou sur Internet de manière générale et puis après, il y a la réalité. Donc c’était une vraie question.
Comment ils réfléchissent à tout ça ? Comment ils se sont lancés ? Comment ils voient évoluer leur métier, leur positionnement, leur entreprise et comment aussi, justement, ils passent de potentiellement anciens salariés, parce que ce sont souvent des histoires de reconversion. Comment on assure cette transition ?
Ce sont tous ces sujets qui m’ont beaucoup intéressée et j’ai lancé le premier épisode du podcast Fait Main en septembre 2019. Et aujourd’hui, une centaine d’interviews plus tard, ça m’éclate toujours autant de rencontrer des gens. C’est ça qui est génial. Et puis, je n’ai pas eu tout de suite l’envie d’en faire mon métier à plein temps parce que j’ai toujours été salariée, donc c’est difficile de se dire quand même un jour « Allez, je me lance et je ne compte que sur moi même pour être ma propre source de revenus et assurer mon salaire tous les mois de l’année ». Donc ça, ce n’est pas évident, mais j’ai construit les choses au fur et à mesure.
Plus tard, on a lancé le podcast Cultura Créa, qui est le podcast de la communauté créative de Cultura. Avec ce deuxième podcast, j’avais des revenus récurrents, beaucoup de travail dans mon activité salariée et dans cette activité-là. Je commençais à me dire « C’est cool, mais ça fait quand même des journées bien remplies. »
Et puis, en avril 2022, une éditrice de Créapassion m’a sollicitée pour écrire un livre sur l’entrepreneuriat créatif. C’était un de mes rêves, d’écrire un livre.
Et donc ça a rajouté une couche de travail supplémentaire à cette année 2022 qui était déjà chargée, en sachant aussi que je suis maman de deux enfants.
Je suis passée à temps partiel à 60 % : 3 jours de travail salarié, 2 jours off pour d’autres activités. Et puis finalement, je me suis rendu compte que même 2 jours, ça ne serait pas suffisant et que je courrais toujours après le temps. Donc, à un moment donné, j’ai pris la décision de vraiment me mettre à mon compte, tout en faisant en sorte d’avoir le moins de risques possible pour que ce ne soit pas trop compliqué et limiter la charge mentale.
Un projet d’entreprise se construit sur le long terme et à son rythme
L’enjeu de l’entreprise créative, c’est de savoir comment je vais arriver à vivre de ma passion. Par exemple, moi, je fais des cartes. Comment je donne envie à des gens qui n’écrivent plus, qui n’envoient plus de cartes, d’écrire des cartes ? Et donc de me les acheter ?
Il faut se laisser le temps pour que les choses se mettent en place et structurer notre activité. Dans le podcast La Leçon (”le podcast sur l’art d’échouer”), Pauline Grisoni reçoit souvent des personnalités, qui racontent une période de leur vie où ce qu’ils ont entrepris n’a pas été un succès. Mais en fait, ils ont pu en tirer une leçon qui leur a permis de performer ou d’avoir un autre succès derrière, etc. Finalement, ce qu’on retient de ce genre de récit, c’est que parfois, quand ce n’est pas le moment, ce n’est pas le moment et ça viendra plus tard. Que même ce qui vraiment te fait mal à un moment donné, parce que tu as le sentiment d’avoir « loupé » un truc, finalement, peut- être que ce n’était pas si grave et que ça sera pour autre chose plus tard.
Et après, ce sentiment de se dire « Je ne vais pas assez vite », c’est qu’on peut avoir peur de louper quelque chose. Tu vois, en se disant « C’est maintenant qu’il y a de la demande sur tel truc que moi, je pourrais apporter, mais je ne suis pas prête… Oui, mais globalement, si je reprends l’exemple de toutes ces passions créatives, si on vend des originaux, il y a encore des chances qu’on achète des peintures en 2024 et en 2025 et au-delà. On pourrait se dire « Je vends des créations en couture zéro déchet, c’est maintenant que le zéro déchet.” Oui, OK, mais en 2024, il y aura encore des gens qui n’auront pas fait leur transition ou même si c’est du zéro déchet, des fois, on a besoin de remplacer ses petits carrés lavables pour le visage par exemple. Donc, en fait, ce sentiment, je pense, c’est normal de dire « Oui, mais là, je vais louper le bon moment. Mais en réalité, quand on ne sauve pas des vies, ce n’est peut-être pas non plus dramatique de prendre un peu plus son temps et que ce soit le bon timing aussi pour soi.
J’ai un exemple parfait. Je travaille avec Hélène, qui a créé des pochoirs de dessin thématiques qui s’appelle Griffographe. Elle reçoit ses prototypes d’un nouveau pochoir sur les fonds marins. Les fonds marins, c’est plutôt pas mal de vendre ça en été. En fait, le pochoir, le moule créé par le fabricant a été fait à l’envers, ce qui fait que les pochoirs sont inversés. Aujourd’hui, elle est obligée de relancer la production, mais ça veut dire qu’en fait, au lieu de sortir les pochoirs en juillet pour les fonds marins, elle va les sortir en septembre ou en octobre. Ça fait un peu de peine de se dire « Ça fait des semaines et des mois qu’on travaille sur un truc qui, finalement, ne va pas être là tout de suite et qui, potentiellement, va louper un peu son moment.
En réalité, on a communiqué auprès de la communauté Griffographe et puis finalement, c’est eux qui nous ont dit “Ce n’est pas grave, on va attendre.” Encore une fois, on ne sauve pas des vies, on fait des dessins.
Il faut aussi prendre un peu de recul. C’est toujours embêtant quand on a investi beaucoup de temps et éventuellement d’argent. C’est toujours très difficile de prendre du recul, mais c’est ce qui peut nous permettre de ne pas sauvegarder notre santé mentale et de se dire « OK, c’est un petit loupé, mais je savais que l’entrepreneuriat, c’était prendre un risque et que fatalement, il y a des hauts et des bas.”
Le succès immédiat de n’importe quel projet, c’est très rare. Toutes les activités comportent un certain nombre de risques, de périodes difficiles. Et puis, on n’est que des humains, donc il y a aussi la propre capacité de l’entrepreneur et de ses équipes à mener les différentes activités, les différents projets au bout, etc. Donc, je pense qu’il faut qu’on se laisse un peu tranquille, parce que parfois, on se met une pression trop importante.
Une astuce pratique aussi qui m’a beaucoup aidée à faire retomber la pression, c’est d’arrêter de suivre les comptes des personnes qui font la même chose que moi. Ou les personnes qui font ce que moi, j’ai envie de faire plus tard. Moi, j’ai envie d’accompagner des entrepreneurs créatifs à développer leur activité dans la continuité du livre que j’ai écrit et de toute mon expérience en marketing et en communication, notamment en développement des ventes, etc. Et il y a des personnes qui font déjà ça.
Les suivre sur Instagram et voir comment elles avancent par rapport à moi, là où je trouve que je suis « en retard » selon mon propre planning, c’est terrible de se dire tous les jours « Elle a fait une vidéo super bien », « Ça y est, elle a sorti sa formation. » Donc, il faut redescendre un peu, ça sera à notre rythme et ça sera le bon.
Et c’est pareil pour la vie perso. Tu ne peux pas comparer une personne qui a toute son énergie à consacrer à son activité parce qu’elle n’a pas d’enfant à quelqu’un qui est déjà installé dans la vie, peut-être avec d’autres charges aussi que les siennes, qui a des enfants, qui a un contexte familial sans doute différent. On n’en parle pas beaucoup aussi, mais il y a plein de personnes qui sont aidants d’un proche qui est malade, etc.
Qu’est-ce qui est indispensable pour créer et développer une entreprise créative ?
Dans la création d’entreprise, il y a plein d’aspects. En écrivant mon livre, je commençais très souvent en disant « Ça, c’est hyper important. ». Mais typiquement, la première chose, c’est d’être sûr que nos créations plaisent. Là, je parle de l’entrepreneuriat créatif, mais c’est valable quel que soit le sujet : avoir une offre pertinente.
Donc ça veut dire d’avoir bien étudié le marché en amont. Est-ce que j’ai quelque chose de différent à apporter ? Est-ce que je me sens les épaules pour développer cette activité ? Est-ce que je veux le faire seul ou en étant accompagné avec d’autres personnes, un associé ou me faire accompagner aussi… Je fais souvent référence à un coach dans le livre, mais peu importe si c’est votre meilleur ami, un mentor, n’importe qui, qui va pouvoir vous aider à prendre un peu de recul sur tout ça et vous donner des bons conseils ou simplement, vous écoutez, parce que parfois, on a aussi juste besoin d’être écouté.
Comment je vais lancer cette activité ? Comment je peux aussi booster un peu ma confiance en moi ? Parce que je crois que j’avais trouvé une statistique pour le livre, c’est au moins 70 ou 80 % de personnes qui sont confrontées au fameux syndrome de l’imposteur, où on se dit « Non, ce n’est pas pour moi. Je ne suis pas capable de faire ça. Je ne suis pas légitime. Ce n’est pas ma formation initiale, je suis autodidacte, etc. »
Peu importe. En réalité, on s’en moque que vous ayez appris par vous-même. Il ne vous faut pas une formation en entrepreneuriat pour lancer votre entreprise. Si, par exemple, vous faites de la couture, ce n’est pas nécessaire d’avoir un CAP couture pour savoir coudre. Ce qu’il faut simplement, c’est être convaincu que vous avez quelque chose à apporter de différent par rapport aux autres. Et après, les compétences qu’il vous manque, elles se trouvent. Soit, vous allez les apprendre, soit vous pouvez aller les chercher auprès d’autres personnes. Les plus grosses entreprises, elles ne fonctionnent pas toutes seules. Ce n’est pas uniquement le PDG qui a la science infuse, qui sait tout faire et qui va tout faire tout seul. D’ailleurs, souvent, il y a des entrepreneurs qui disent : « Moi, je m’encadre de personnes qui sont meilleures que moi. »
Bien s’entourer, c’est essentiel et après, j’ai envie de dire, le reste va suivre. Je faisais référence à la communication, être visible, se démarquer des concurrents… La difficulté souvent quand on est solopreneur, c’est que du coup, il va falloir faire tout seul, parce que généralement, quand on démarre, on n’a pas les moyens de déléguer. Si c’est la peur que vous avez, ça veut peut-être dire qu’il faut voir les choses autrement et construire le projet différemment en disant : « Comment je peux financer le développement de ma structure ? » parce que je sais que dès le départ, je vais vouloir m’entourer de telles et telles compétences que je n’ai pas aujourd’hui.
Donc, il faut aussi voir quelle est son ambition, comme dans n’importe quel projet, finalement. Est-ce que je veux faire un « petit truc » — et dans le petit, il n’y a pas de jugement, c’est juste de se dire que je veux une petite activité complémentaire qui me fasse m’évader de mon boulot quotidien. Et puis peut-être que ça deviendra quelque chose de plus grand plus tard ou pas, mais tant que ça reste ce que vous avez envie de faire, c’est parfait. Ou alors, tout de suite, je sais que je veux avoir une dimension plus importante. Et typiquement, une des conséquences, ça va être, par exemple, de se dire « La micro-entreprise, ce n’est pas le bon format pour moi. » parce que je sais que je veux monter une société dans laquelle je vais avoir une équipe. Il faut que j’ai un business plan pour aller défendre mon activité et son financement auprès d’une banque par exemple. Ça pourrait être aussi une opération de crowdfunding si on veut faire les choses un peu différemment, ou de manière complémentaire d’ailleurs, ce n’est pas complètement opposé.
Il y a plein de choses auxquelles il faut réfléchir, mais je crois que la base, c’est de se dire « Est-ce que j’ai une offre pertinente, différenciante ? Pourquoi on va m’acheter à moi et pas à un autre ? » Et puis après, « Comment je vais m’organiser ? Quelles dimensions je vais donner à mon projet ? Comment je vais m’entourer ? Est-ce que je suis suffisamment confiante pour me dire qu’il y a plein de choses que je vais pouvoir faire moi-même et donc que je n’ai pas besoin d’avoir une grosse structure derrière moi pour me lancer ? Et quand je dis grosse structure, généralement, c’est juste de l’argent pour pouvoir faire appel à des gens, ou si je reprends l’exemple d’Hélène avec les Griffographes, il y a une production dans un atelier à faire. Ce n’est pas elle qui fait l’injection du plastique dans les moules, qui construit le moule, etc. Et donc, à un moment donné, il y a cet investissement matériel qu’il faut faire aussi. Et donc, quels sont les moyens que je me donne ? Dans quel cadre je veux construire tout ça ? Quelle ambition je veux donner à mon projet ?
Et derrière, c’est une question de choix. Il n’y a pas de bon ou mauvais choix. Tous les projets sont différents et tant mieux, il y en a pour tout le monde. C’est aussi en faisant qu’on prend un peu plus confiance en soi et on progresse au fur et à mesure.
Comment passer d’une simple activité “passion” à une activité professionnelle indépendante ?
Il faut le sentir et ça peut aussi venir avec le temps. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas se dire « Trop bien, j’adore coudre, je vais coudre toute la journée si je me mets à mon compte. » Non. Ça ne va pas être ça, je suis désolée. Pour qu’une entreprise fonctionne, il y a plein de choses autour. Évidemment, il faut des clients, mais il faut communiquer auprès de ces clients. Une fois que vous avez ces clients, il faut assurer la vente, c’est-à-dire qu’on vous a acheté quelque chose, il va falloir délivrer ce produit ou service. Il faut gérer potentiellement le SAV, les problèmes de transport.
Quand on est entrepreneur, à son compte, même si c’est pour une activité complémentaire, qu’on ne veut pas faire ça à temps plein, on aura les mêmes problématiques. Il faudra toujours aller acheter ses timbres ou payer son transport, gérer les problèmes inhérents. On parle peu des achats : la machine à coudre, par exemple, ou tous les consommables. On dit « C’est bon, j’ai déjà mon ordinateur ». Sauf que le jour où ils vous lâchent, c’est 1 000 euros tout de suite à sortir.
C’est un vrai métier très complet, on ne s’ennuie pas. On ne s’ennuie pas, je pense. Après, ce switch, comment on le fait ? J’ai le sentiment qu’il y a à un moment donné cette petite voix : « En fait, si je ne le fais pas, est-ce que je vais le regretter ? » Tu vois, un petit peu… Moi, quand j’étais plus jeune, j’avais toujours eu envie d’aller vivre à l’étranger. Et en fait, si je ne l’avais jamais fait, je pense que je l’aurais regretté. Donc, je suis contente de l’avoir fait et en gros, la case est cochée. Si ça vous titille pendant longtemps, que vous y réfléchissez, que vous faites mûrir le projet, que vous envisagez vraiment le tableau dans sa globalité, pas uniquement les aspects positifs, mais justement que vous vous formez aussi, vous renseignez et que vous envisagez les choses dans leur globalité, tout ça, ça va vous permettre de vous faire une opinion et derrière, à un moment donné, de vous dire « OK, je suis prête, je n’ai pas envie de passer à côté de cette envie et donc j’essaye. »
Et toujours se dire aussi « Qu’est ce que je risque si finalement ça ne fonctionne pas ? » Tu sais, c’est un peu la phrase hyper connue de Mandela. Il ne faut pas que je me trompe, mais globalement, la phrase de Mandela, c’est dire « Soit je gagne, j’arrive au bout de mon projet et je suis contente, soit j’apprends. » Ce n’est jamais vraiment un échec. C’est jusqu’où je veux aller dans cette idée ? Moi, aujourd’hui, je me dis que si ça ne fonctionne pas, si je n’ai pas suffisamment de revenus de cette activité là, je reprendrai un travail salarié. Ce n’est pas dramatique. Peut-être que ça sera un temps partiel pour pouvoir continuer de faire cette transition si je veux quand même toujours être en partie à mon compte, peut-être que ce sera temporaire aussi, mais en tout cas ce n’est pas dramatique.
Y a-t-il des conditions, qualités ou compétences indispensables pour créer et développer son entreprise créative ?
Il y a quand même beaucoup de choses à maîtriser parce qu’on est chef d’entreprise. Je pense que sans doute qu’une des compétences clés, c’est la confiance en soi et l’entourage qu’on va choisir. Beaucoup de gens sont confrontés au syndrome de l’imposteur, mais il faut aussi savoir s’écouter et se faire confiance. Si, par exemple, je n’ai pas hyper confiance en moi, que ce soit sur mes créations ou sur ma capacité à communiquer ou à être carrée sur les chiffres, à gérer les imprévus, etc, peut-être qu’il faut qu’en amont de ce projet, je travaille sur ces différentes choses au fur et à mesure.
Je parlais de l’entourage aussi. Pour moi, c’est vraiment important d’avoir des soutiens, parce que si on est soi-même déjà en train de se dire « Là, je ne vais pas y arriver. Non, mais c’est trop compliqué. De toute façon, je suis nulle, etc.”, si on est déjà en train de s’auto-saboter, si on n’a pas quelqu’un à côté qui nous tire un peu, ça va être compliqué. Et en même temps, il ne faut pas qu’on attende de quelqu’un qui nous tire constamment vers le haut, il faut que ça vienne de nous.
Pour autant, je pense que vraiment, l’entourage est important pour les jours de moins bien. De se dire, voilà, je sais que j’ai deux ou trois amis, mon conjoint, ma famille, mes parents, etc, qui vont pouvoir me donner le petit coup de boost dont je peux avoir besoin de temps en temps, à qui je vais pouvoir parler, qui vont pouvoir me donner des conseils ou simplement m’écouter, encore une fois.
Les qualités nécessaires pour moi, c’est de la détermination, de la persévérance, de s’écouter, de l’intuition, de se dire « Il y a des jours de moins bien où on a l’impression que tout le monde fait mieux que soi. Ok, c’est une mauvaise journée et ça ira mieux demain. » C’est pour ça que je parle de détermination.
Encore une fois, il ne faut pas hésiter à lancer des choses en parallèle de votre activité actuelle. C’est sûr que c’est beaucoup de temps, mais en même temps, tous les entrepreneurs vous le diront, on ne travaille pas moins parce qu’on est à son compte. C’est aussi finalement un moyen de se mettre un peu à l’épreuve si on n’est pas complètement certain, de se dire « Là, j’ai réussi à lancer une activité en parallèle de mon activité principale. J’ai déjà un certain nombre de succès. Ça avance, ça fonctionne et j’ai réussi ça en plus du reste. » Donc c’est déjà une source de fierté, de confiance en soi, on peut se dire « Allez, ça sera peut-être encore plus facile quand je serai complètement à mon compte. »
Comment fixer le bon tarif ?
Mon conseil, c’est de toujours augmenter le prix que vous auriez mis par défaut. Parce qu’en fait, généralement, on se sous-estime. On sous-estime la rémunération qu’on voudrait réellement avoir. Il y a des créatrices qui vont dire « Non, mais moi, le SMIC, ça me suffit. » OK, peut-être pour démarrer deux ou trois mois, mais peut-être que c’est bon de ne pas se fixer ça comme objectif, de dire « Moi, je veux avoir 2 000 € net par mois. » par exemple.
Ensuite il faut faire le calcul dans le sens inverse et dire : 2 000 € net par mois, qu’est-ce que ça veut dire en termes de revenus bruts à générer (chiffre d’affaires). Souvenez-vous que sur votre salaire habituellement, si vous étiez salarié, il y avait des charges patronales et des charges salariales. Là, si vous êtes en microentreprise, vous allez avoir l’URSSAF à payer, plus tous les coûts, toutes les charges de votre entreprise. Et il ne faut pas oublier que derrière, vous allez aussi payer l’impôt sur le revenu, parce que ce qu’on va déclarer aux impôts, c’est le chiffre d’affaires encaissé et ça sera votre base d’imposition.
Il y a un abattement, etc, qui est différent selon la prestation de services ou la vente de marchandises. Mais n’oubliez pas les charges : ce que vous facturez n’est pas ce que vous allez encaisser en termes de revenu net. Le conseil, c’est de bien calculer. Moi, je suis plutôt dans la prestation de services. Quand je fais une proposition, je mets le tarif auquel je pense au départ, parce que j’ai calculé mon prix à la journée. Typiquement, j’ai calculé que je voulais travailler à 80 %, je voulais avoir minimum 25 jours de congé payés, etc. J’ai fait tous ces calculs sur la base de mon salaire net, puis brut, que j’aimerais avoir. Je connais mon taux journalier. J’augmente juste avant d’envoyer la proposition, je me dis « OK, admettons, j’ai mis 450 € la journée, c’est possible que je mette à 480 ou 500 € juste avant d’envoyer en me disant que ça sera la marge de négociation.
Parce qu’il ne faut pas oublier, encore une fois, tout dépend du contexte, etc, mais quand on travaille avec des entreprises, il est possible qu’on vous demande une petite remise commerciale. Ça s’applique moins sur la vente de marchandises, mais ça reste possible si vous vendez un volume plus important. On peut concéder une remise parce qu’on sait qu’on va avoir ce volume plus élevé qui est une source de revenus plus importante et sur le long terme. Donc, n’oubliez pas d’intégrer aussi un peu cette marge de négociation dans vos calculs.
Et puis, il y a quelque chose aussi qu’on a tendance à mal estimer, c’est le temps. Tu pourrais surestimer, par défaut, te dire « Là, je pense que j’en ai pour une demi-journée pour telle action. En fait, je ne vais pas compter une demi-journée pour trois heures et demie, je vais compter quatre heures ou quatre heures et demie, parce qu’il y a les aléas.
Comment vendre quand on a peur de communiquer ?
Il faut démarrer par quelque chose. Ça ne sera pas parfait, mais il faut démarrer.
Typiquement, votre site Internet, il ne sera peut-être pas complètement parfait, comme vous l’auriez imaginé, comme vous l’avez rêvé, mais peu importe. Il a besoin d’exister assez rapidement pour pouvoir vendre. Même si ce n’est pas complètement idéal, il faut le mettre en ligne. Ça aidera aussi les moteurs de recherche à commencer à comprendre ce qu’il y a dans votre site, donc, dès que vous l’aurez mis en ligne.
Dès que vous pouvez commencer sur Instagram, encore une fois, n’oubliez pas, ne considérez pas que tout doit être parfait tout de suite. Ce n’est pas possible et vous verrez qu’il y a toujours une marge de progression, quel que soit le sujet.
Et de la même manière, si par exemple, je suis dans une démarche de prospection froide, c’est hyper compliqué. Donc, si vous n’êtes pas à l’aise avec ça, parce que c’est vraiment un métier à part entière, ça veut dire qu’il faut montrer ce que vous faites. Ça veut dire qu’il faut avoir des belles photos. Si vous ne savez pas prendre de belles photos, il faut travailler sur le sujet, vous former. Il faut travailler aussi la manière dont on va mettre en avant ces produits, dans le discours, dans le texte, sur les descriptions des produits.
Et si on fait de la prospection par e-mail ou par téléphone, là, on peut aussi se dire « Pour l’instant, je prends mes contacts les moins intéressants pour moi, ceux qui me font le moins rêver. Comme ça, je vais m’échauffer un peu et après, je serai sans doute meilleure. Et puis, ne pas oublier qu’on apprend en faisant aussi et que ça ne sera pas parfait, mais encore une fois, il faut passer à l’action.
Il faut lancer la machine et c’est difficile. Parfois, vous allez trouver que c’est plus difficile certains jours et que d’autres jours, vous aurez une patate d’enfer et vous allez abattre des montagnes. Et puis d’autres jours, non, mais c’est la vie. On est tous comme ça. Il n’y a pas de souci avec ça. Il faut s’écouter, respecter son rythme aussi.
Comment aborder l’administratif simplement, même quand on a l’impression de ne rien y comprendre ?
J’ai un petit biais, c’est que j’ai fait un bac STT à l’époque, ça s’appelle STMG maintenant, compta-gestion. Donc, en fait, ça ne m’a jamais vraiment rebuté ce sujet-là, et j’ai plutôt une appétence pour les chiffres. J’aime bien suivre tout ça. Et même si je n’aimais pas, par contre, je pense que c’est hyper important. Parce que faire l’autruche, ça n’a jamais aidé personne, et encore moins dans le monde des affaires. Donc, même si ça fait un peu mal, finalement, petit à petit, vous allez voir que ça va.
C’est un peu comme les impôts. Tu recules le moment où tu le fais… Et puis finalement, quand tu l’as fait, tu te demandes « Pourquoi je me suis embêtée ? Pourquoi ça m’a alourdi cette charge mentale ? J’aurais dû le faire tout de suite et c’était fait, on n’en parlait plus. »
Si c’est un peu le rapport que vous avez de votre côté avec l’admin, la gestion, la compta, tout ça, il faut quand même se forcer un peu parce que ça sera mieux de le faire plutôt que de reculer sans arrêt. C’est hyper important de savoir où vous en êtes dans votre activité. Ça serait trop dommage que vous vous rendiez compte trop tard qu’en fait, ça ne va pas, vous ne gagnez pas d’argent.
On n’a pas d’obligation de “vraie” compta en micro-entreprise, mais a minima, vous devez suivre tout ce que vous dépensez et évidemment tout ce que vous encaissez. À plein de points de vue, c’est bénéfique, par exemple, pour fixer ses tarifs, pour toutes les décisions qu’on a à prendre. L’administratif, on ne le fait pas juste par obligation : c’est un vrai outil de gestion de l’entreprise, de stratégie, de prise de décision. Même en restant à un niveau très simple et pour une petite activité, ça reste quelque chose d’important.
Pour les arts créatifs, j’ai le sentiment que comme on est déjà beaucoup équipé à la maison, généralement, on a déjà le matériel, etc, on se dit : « Non, mais c’est bon, je n’ai pas beaucoup de charges. » Sauf qu’évidemment, il y a toutes les fournitures créatives dont on a besoin, les consommables. Si je fais des cartes, j’ai besoin du papier et ça, même si j’en ai aujourd’hui, fatalement, à un moment donné, je vais avoir besoin d’en racheter. Et puis, il ne faut pas oublier que le matériel s’abîme et que potentiellement, il faut le remplacer. Ou à un moment donné, vous aurez envie d’investir dans un matériel plus performant, plus haut de gamme. Donc, c’est ce genre de coût aussi qu’il ne faut pas oublier. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, vous avez déjà l’équipement qu’il ne faut pas envisager assez rapidement son renouvellement.
Il y a quand même des solutions si ça paraît trop compliqué, on n’est pas obligé de gérer ça seul dans son coin. J’ai dû dire ça à toutes les deux pages de mon livre, mais vraiment, se faire accompagner, c’est hyper important. Parce que ça peut être un métier où on se sent un peu seul, parce que tout repose sur nos épaules. C’est nous qui allons faire la production, la gestion, la communication, tout le service client, le recouvrement des factures si on est en prestation, tout, tout, tout. Donc, on ne peut pas être des spécialistes de tout, sauf si vous avez déjà eu une vision d’ensemble dans votre activité précédente.
Vous avez une expérience, qu’il faut valoriser aussi. Peut-être que c’était sur un domaine d’activité bien différent, mais finalement, vous savez travailler, vous savez écrire des emails, vous savez être rigoureux, etc. Donc, toutes ces qualités, n’oubliez pas que vous les avez aussi en vous. Et ce n’est pas parce que vous ne faisiez pas exactement le métier que vous vous envisagez de faire, que vous n’avez pas plein de qualités aussi pour le faire.
Un conseil pour la fin pour créer et développer son entreprise créative
Il faut s’écouter, suivre son intuition. Si on sent que c’est le bon moment pour se lancer, go. On se met en ordre de marche pour lancer cette activité. Sans oublier que ça ne sera pas du jour au lendemain, que ça ne viendra pas en un claquement de doigts. Il y aura des jours où ça sera plus difficile que d’autres, mais par contre, c’est l’endurance, la persévérance et la détermination qui feront la différence avec quelqu’un qui va peut-être arrêter au bout de quatre ou cinq galères. Si vous considérez que les galères font partie du chemin et que justement, il y a l’objectif certes, mais c’est tout le chemin qui est intéressant, vous devriez être assez zen la plupart du temps et garder votre cap droit devant vous.
Pour retrouver Mélanie :
- Son site Internet : https://podcast-faitmain.fr
- LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/melanieseynat/
- Instagram : https://www.instagram.com/podcast_fait_main/
- Son livre : Mon entreprise créative, éd. Creapassions
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