Quand on est en micro-entreprise, il arrive un moment où on s’interroge sur le passage en société.
Comment ça marche ? Quel est le bon moment ? Comment faire les bons choix ? Combien ça coûte ? etc.
Pour aborder ces questions, je reçois aujourd’hui Camille Delattre, experte-comptable chez Numbr, qui va nous expliquer simplement le passage en société.
L’objectif est de dédramatiser en ayant plus de clarté sur cette étape importante dans la vie d’une petite entreprise.
Cet article est une transcription de l’interview, disponible en version intégrale sur le podcast : J’aime la paperasse.
Quel est le bon moment pour passer d’une micro-entreprise à une société ?
Il y a plusieurs signes, le premier, c’est le fait d’avoir pas mal de frais au quotidien.
On va se concentrer aujourd’hui sur les prestataires de services. En micro-entreprise, on va avoir un abattement de 34 % pour frais. Dans ces 34% là, il y a notamment une partie liée aux charges sociales. Donc quand on dépasse à peu près 10-12 % de son chiffre d’affaires en frais, finalement ça peut être intéressant de passer en société pour pouvoir les déduire.
On a aussi le seuil de TVA qui est d’à peu près 36 000 €. Où on va se dire, à partir de ce moment-là, il y a un côté beaucoup plus administratif avec ces déclarations à faire tous les mois. Et pourquoi pas basculer en société pour déléguer cette partie-là à un expert-comptable.
Et le troisième point est lié à l’impôt sur le revenu. Selon son foyer fiscal, il y a des optimisations possibles avec une société qui sont impossibles avec une micro-entreprise.
Avec ces trois facteurs-là, les frais, le seuil de TVA et l’impôt sur le revenu, ça peut être important de basculer en société. Tout dépend de sa situation, de son activité, etc.
Comment choisir la forme juridique, notamment entre SARL et SAS (ou EURL/SASU) ?
SARL, SAS, ça va être quand il y a plusieurs associés. Quand on reste tout seul, on va parler d’une EURL ou d’une SASU. Le fonctionnement est le même, en dehors du statut social du dirigeant et des cotisations sociales. La protection sociale sera différente.
Donc, il faut vraiment étudier la question avec sa situation personnelle et ne pas se dire « Mon ami a choisi une SASU, donc je fais une SASU. » Peut-être que lui, il a des indemnités Pôle emploi ou des problèmes de santé. Donc, si nous, on n’a pas de souci, on va éventuellement partir sur une EURL.
C’est bien de se poser la question vraiment en fonction de sa situation personnelle :
- Est-ce que j’ai des soucis de santé ?
- Est-ce que je me vois au régime des indépendants ?
- Est-ce que je préfère avoir des fiches de paye ?
Il y a pas mal de questions comme ça. Donc, le choix en soi n’est pas directement acté en se disant « J’ai ça, donc je choisis ça. » C’est pour ça que c’est bien d’échanger vraiment de manière complète pour ensuite choisir la forme juridique. Ce qui est important, c’est de bien choisir sa forme juridique lorsqu’on crée la société. Parce qu’après, si on veut changer en cours de route, c’est tout à fait possible. Mais il faut compter plus de 1 000 € pour basculer de SAS à SARL ou inversement. Autant gagner du temps et de l’argent en choisissant correctement dès le début.
Quelles sont les grandes différences entre les principales formes juridiques ?
Si on est dirigeant d’une EURL, on sera travailleur non salarié (TNS) rattaché au régime des indépendants. Cela revient au même qu’une micro-entreprise en termes de protection, avec quelques différences quand même. Le taux de charges sociales est plus élevé, parce qu’il y a quand même une meilleure couverture.
Par contre, sur une SASU, le dirigeant sera président assimilé salarié. Il sera effectivement rattaché au régime général et aura une couverture comme un salarié cadre du privé. Mais on ne parle pas de salarié au sens du Code du travail. Parce qu’il n’y a aucun lien de subordination, pas d’horaires de travail, de rémunération fixe, etc.
L’entreprise individuelle, c’est vrai que c’est assez simple. On pourrait se dire : « Je dépasse les seuils de la micro-entreprise 2 années de suite, je bascule automatiquement sur une entreprise individuelle, donc je n’ai pas à m’embêter avec une création de société. »
Sauf que sur ce format, on est assez limité dans le sens où on ne peut pas optimiser entre un salaire, des dividendes, etc. C’est quand même mieux de basculer sur une société, notamment pour cette question d’optimisation avec le foyer fiscal. L’entreprise individuelle, elle va surtout être obligatoire pour certaines activités, comme les artistes-auteurs, les agents commerciaux, etc. Mais sinon, pour les autres activités, notamment prestataires de services, autant partir directement sur une société.
L’objectif, c’est aussi de basculer directement de micro-entreprises à société. Parce que si on passe d’abord par une entreprise individuelle et qu’ensuite on veut partir sur une société, il faudra quand même faire des formalités administratives de fermeture d’une entreprise individuelle, faire un bilan comptable et ensuite créer la société. Donc ça rajoute finalement une étape qu’on aurait pu éviter en passant directement de micro-entreprises à société.
Comment se passe le passage en société en pratique ?
En soi, c’est assez simple, ils ont quand même amélioré la chose de manière dématérialisée. Il faut simplement choisir de fermer la micro-entreprise, par exemple, au 31 mars et d’ouvrir la société au 1er avril.
Si on a une clientèle depuis quelques années, qui est bien installée, il faudra quand même évaluer cette clientèle pour l’apporter à la société par la suite. Dans le monde du freelance, on n’a pas forcément des clients qu’on garde sur plusieurs années. Donc, ça va dépendre de l’activité exacte.
Au niveau des grandes étapes, pour commencer, il faut bien choisir sa forme juridique, parce que derrière, les statuts ne seront pas les mêmes. Ensuite, il faudra aussi réfléchir au nom de la société, parce que la personne morale sera distincte de la personne physique, donc il faut lui donner un nom, et que ce nom n’existe pas déjà.
Après, il faudra réfléchir au montant du capital qu’on souhaite mettre. Parce que quand on crée une société, il faut mettre des « billes » qui montrent qu’on est dirigeant associé de cette société. Et enfin, réfléchir aux différentes activités qu’on souhaite mentionner dès à présent.
L’objectif, c’est que toutes ces informations soient bien réfléchies en amont pour que derrière, il n’y ait pas de modification à faire. Parce que dès qu’il y a des modifications, il y a des frais juridiques, donc autant gagner du temps et de l’argent en réfléchissant en amont sur tout ça.
Une fois qu’on a toutes ces informations, notre service juridique va rédiger le projet de statut, qui est envoyé rapidement par mail pour que la personne puisse relire et le signer électroniquement. Il faudra ensuite faire le dépôt du capital, soit auprès d’un notaire, soit auprès d’une banque ou de la Caisse des dépôts, pour avoir l’attestation de dépôt de capital. Et une fois qu’on a les justificatifs, notamment la pièce d’identité, un justificatif de domicile, les statuts et l’attestation de dépôt de capital, on envoie le dossier auprès du site de l’INPI pour finaliser le dossier.
Enfin, cet organisme va transmettre l’information auprès du greffe, des impôts et de tous les organismes, notamment de l’URSSAF, que la société est créée officiellement. Et donc après, on reçoit le KBIS qui est la pièce d’identité de la société.
Les étapes de la période de transition entre la fermeture de la micro-entreprise et la création de la société
Sur cette période de transition, il faut vous rassurer. Vous aurez peut-être sur le mois de septembre une facture au nom de votre micro-entreprise. Ensuite, quand vous aurez créé votre société, vous aurez un nouveau numéro SIRET et la nouvelle identité de votre entreprise à indiquer sur vos factures. Il n’y a pas vraiment d’autres changements sur cette période.
Il faudra simplement prévenir votre client. Si c’est un gros client qui a un service fournisseur pour leur transmettre votre K-bis et qu’il vous enregistre avec cette nouvelle identité.
Au niveau de la micro-entreprise, vous avez 45 jours pour déclarer auprès de l’URSSAF le dernier chiffre d’affaires réalisé jusqu’à la date de fermeture le 30 septembre. Puis payer les dernières charges sociales et après, vous basculez tout sur la société dès le 1ᵉʳ octobre.
Combien ça coûte de passer en société ?
Effectivement, il y a souvent ces préjugés sur les frais. Quand on crée une micro-entreprise, c’est vrai que c’est gratuit, on teste un petit peu son marché. Et puis, si on voit que ça se développe pas mal, c’est intéressant de basculer en société.
Ce qu’il faut savoir, c’est que déjà, sur les frais de création, effectivement, ça ne sera pas gratuit. Il y aura toujours des frais de greffe et d’annonce légale qui sont de l’ordre d’à peu près 300 €. Ça reste quand même raisonnable. Après, ce qui peut coûter cher, ça va être tout ce qui est accompagnement d’un expert-comptable, d’un avocat, etc. Et aussi pour réaliser le projet de statut, réaliser le dépôt du capital chez le notaire ou la banque.
On a une offre dédiée aux créateurs d’entreprises et on a décidé d’offrir cet accompagnement. Dans ce cas, il n’y a que ces frais incompressibles, donc environ 300 € pour la création.
Une fois que votre société sera ouverte, il y aura des frais bancaires. Et ça peut être intéressant d’avoir un expert-comptable, un avocat pour vos contrats, etc. En ce qui concerne le capital, il n’y a pas de minimum. On pourrait mettre simplement 1 €. Ce n’est pas conseillé, parce que ça va être indiqué sur le K-BIS et la facture. Donc ça ne montre pas une grande confiance auprès de vos clients sur votre activité. Vous pourriez mettre quand même 500 €, qui est déjà une belle somme pour montrer que vous investissez un peu dans votre structure.
Il faut savoir que ces 500 € de capital, ils iront directement sur votre compte bancaire professionnel après la création de votre société et vont permettre de payer les premiers frais. Donc, ce n’est pas quelque chose de perdu ou bloqué, ça sert à votre activité.
Concrètement, qu’est-ce qui va changer au quotidien après le passage en société, par rapport à la micro-entreprise ?
Ce qui va changer, c’est surtout le fait de pouvoir payer avec la carte bleue professionnelle tous les frais. Et d’avoir le réflexe de demander les justificatifs pour pouvoir les donner en cas de contrôle fiscal, ou de les prendre en photo sur une application qui a la valeur probante. C’est le premier réflexe que l’on va avoir.
L’autre réflexe, ça va être de bien demandé des factures au nom de la société. Parce que c’est la personne morale qui fait ces dépenses-là, ou bien qui facture. Bien faire cette distinction entre ma personne physique qui fait ses dépenses personnelles avec son compte perso et le compte bancaire professionnel vraiment dédié à l’activité.
La manière de se rémunérer va aussi changer. Si on choisit une SASU pour sortir du salaire, il faut faire des fiches de paye. Sur une EURL, il faudra se faire des virements de salaire. Alors que sur une micro-entreprise, ces virements sont parfois faits un peu aléatoirement.
L’objectif est d’avoir de bonnes habitudes, une bonne organisation, dès la création.
Quelles sont les erreurs classiques à éviter concernant le passage en société ?
La première erreur, c’est le choix du statut juridique. Si on part sur une EURL alors qu’on a des problèmes de santé, ça ne va pas forcément être le bon choix. Si on a un foyer fiscal avec des revenus assez élevés, encore une fois, autant partir sur une SASU. On l’a beaucoup répété aujourd’hui, mais c’est vraiment hyper important.
Et puis, je dirais d’anticiper peut-être avec un avocat éventuellement, des conditions générales de vente, des contrats adaptés. Ce qui serait aussi dommage, c’est de faire des grosses dépenses avant de basculer sur une société. Autant attendre le changement pour éventuellement racheter un nouvel ordinateur, un nouvel équipement professionnel, et pouvoir ainsi le déduire sur la société.
Ce qu’il faut retenir pour passer d’une micro-entreprise à une société
Pour passer en société comme à toute étape de la vie de son entreprise, il ne faut jamais hésiter à se faire accompagner. Que ce soit au démarrage d’une micro-entreprise, au passage à la TVA, sur la question du passage en société, pour rédiger ses CGV ou contrats… Les professionnels sont là pour ça, pour former, décharger des contraintes et accompagner au mieux.
Un grand merci à Camille Delattre.
Pour aller plus loin avec Numbr ??
Un partenariat a été mis en place : le RDV conseil et la création de société offerts (indiquer le partenaire « J’aime la paperasse »)
Tu as aimé cet article ? ? Partage-le sur Pinterest.