De plus en plus de Français·e·s osent la reconversion professionnelle, mais cela reste une étape importante dans sa carrière et ce n’est pas anodin. Alors comment préparer au mieux sa reconversion professionnelle ? Est-ce que l’entrepreneuriat est la bonne solution ? Quelles sont les questions à se poser avant de se lancer ? Quelles sont les aides disponibles pour accompagner dans ce cheminement ?
Ce sont toutes les questions auxquelles on va tenter de répondre dans cet article.
Pour cela, je reçois Gaëlle Ancarno, co-fondatrice de Quête 2 SensPro, dont la spécialité est justement d’accompagner dans cette recherche de sens, le parcours, la carrière professionnelle. Elle répondra à nos questions en tant qu’experte et reviendra également sur son propre parcours de reconversion.
Cet article est rédigé à partir de la transcription de l’interview de Gaëlle Ancarno de Quête 2 SensPro. Retrouve l’interview intégrale au format audio sur cette page et sur toutes les plateformes de podcast (Spotify, Apple Podcast, Deezer, YouTube…).
Pour te présenter rapidement, Gaëlle, tu as créé Quête 2 SensPro, qui se consacre justement à accompagner les personnes dans leur carrière professionnelle. Ça fait 17 ans que tu fais de l’accompagnement, mais Quête 2 SensPro, c’est plus récent (2020).
Donc on pourra aborder la question de la reconversion professionnelle sous différents angles, puisque tu as ta posture de coach avec les coachings, les formations que tu proposes avec Quête 2 SensPro, et également toi-même, ta propre reconversion. Ce sera intéressant d’avoir également ton propre parcours.
Quels sont les déclencheurs d’une reconversion professionnelle ?
Un besoin de renouvellement qui persiste dans le temps
Alors maintenant que ça fait quatre ans que je me suis spécialisée sur le volet de la reconversion professionnelle, j’ai remarqué qu’il y avait un sujet assez commun parmi toutes les personnes que j’accompagne.
Pour ma part, quand ils me contactent, ça fait déjà très longtemps, parfois une année, voire deux ans, qu’ils sont en questionnement sur leur avenir professionnel et qu’ils se posent la question de « Vers quoi je peux aller ? ».
J’ai beaucoup de personnes qui sont dans leur domaine d’activité depuis plus de 5 ans, entre 5 à 15 ans sur leur même poste. Et du coup, ils n’ont plus d’idées sur quoi se reconvertir, vers quoi se tourner.
Même en termes de capacité professionnelle, ils ont un peu le sentiment d’être voués, si je puis dire, à uniquement le poste qu’ils occupent. Donc, c’est vrai que quand ils me contactent, j’ai différents sujets :
- Soit ce sont des personnes qui se posent vraiment la question de « Est-ce que je peux faire quelque chose d’autre que le métier que j’occupe depuis un certain nombre de temps ? »
- Ou parfois, j’en ai qui sont à un point de non-retour, qui ont eu un événement majeur assez soudain, qui les fait se poser des questions sur « Est-ce que j’ai toujours ma place dans ma société, dans mon équipe ? »
Et quand ils me contactent, ils sont vraiment à une situation où ils disent : « Là, ça y est, d’ici les six mois à venir, il faut que je parte, il faut que vous m’aidiez à trouver une solution. »
Des parcours différents mais des signes qu’il est temps de changer
Stéphanie : C’est intéressant parce que ça veut dire qu’on a vraiment des profils complètement différents, des parcours complètement différents, avec pour certains quelque chose de très progressif et pour d’autres, ça va être assez soudain du coup.
Gaëlle : C’est ça. En fait, j’aime bien dire que j’ai le sentiment qu’il y a une espèce de schéma qui se répète pour eux. Et si tu veux, en tout cas pour la deuxième partie des profils que je viens de te présenter, c’est que j’ai le sentiment que ça a tapé de plus en plus fort jusqu’à ce point de non-retour.
Cette friction où là, ils se disent, ça y est, stop, ça suffit, ça touche mes valeurs. Là, il est temps que je parte parce que je prends sur moi depuis un certain nombre de temps et en fait, ça me cause plus de tort qu’autre chose. Ça me cause des maux, et en fait, j’y arrive plus, je ne me lève plus avec le même entrain, j’y vais à reculons.
Il y en a qui me parlent de maux de ventre, d’insomnie, parfois même de malaise. On arrive quand même à des situations parfois qui sont presque à l’extrême. Il n’y a pas de jugement quand je dis ça, mais c’est vraiment que leur corps leur envoie un signal très fort. Et c’est vrai que quand ils me contactent, c’est “Là, aidez-moi, il faut que je parte maintenant”.
Stéphanie : En plus, ça, on peut le mettre à la lumière du burn-out dont on entend de plus en plus parler. On sait que c’est un risque très présent aujourd’hui. Et quand il y a les messages du corps, c’est qu’on est forcément déjà arrivé à une situation difficile.
Quel est le bon moment pour entamer une reconversion professionnelle ?
L’impact de l’ancienneté sur cette décision de réorientation
Stéphanie : Cette décision assez radicale, est-ce que tu vas plus la retrouver justement chez des personnes qui sont sur le même poste, dans le même schéma depuis longtemps, ou parfois chez des jeunes qui sont encore en début de carrière ?
Gaëlle : C’est une très bonne question. J’essaie de repenser un peu à tous les accompagnements que j’ai faits… Je ne sais pas si je peux de manière assez tranchée dire que ce qui peut caractériser ce risque de burn-out, ça toucherait plus des personnes qui sont sur leur poste depuis très longtemps.
J’avoue que je ne vais pas me prononcer parce que j’ai un doute. Je sais que j’en ai où ça a été le cas et ils étaient sur leur poste depuis très longtemps, mais j’ai aussi eu à plusieurs reprises des gens pour qui ça faisait deux ans qu’ils étaient dans leur activité et pour autant il y a eu un événement soudain, un changement de direction. Ça c’est quelque chose qui est revenu à plusieurs reprises parmi ceux que j’ai accompagnés.
Le fait de ne pas forcément avancer dans la même direction, d’avoir cette même vision, de se rejoindre finalement, de faire un pas l’un vers l’autre, ça a pu aussi causer cet effet de non-retour comme je le disais tout à l’heure donc je ne sais pas, je ne vais pas trancher pour le coup.
Trop tôt pour se lancer dans une reconversion ?
Stéphanie : On peut être surpris de voir de plus en plus de personnes qui entament une reconversion professionnelle alors qu’elles sont encore plutôt en début de carrière, alors qu’avant c’était quand même un changement important dans une carrière. Et parfois, on peut se dire qu’on n’ose pas parce que c’est trop tôt.
Gaëlle : Ce que je remarque aujourd’hui, et ça s’est accéléré après le Covid, c’est que les gens ne prennent plus autant sur eux dans le sens où ils veulent vraiment se réaligner à leur équilibre, ils veulent retrouver leur épanouissement.
Ils sont toujours prêts à s’investir, à s’impliquer pour leur entreprise. Pour autant, ils rééquilibrent aussi leur place dans l’écosystème.
Ça fait 17 ans que je fais de l’accompagnement et avant, ça, ce n’était pas des sujets dans mes accompagnements. Maintenant, l’accompagnement, c’est ta place, ton équilibre, remettre du sens, même la notion de valeur.
Avant, j’avais beaucoup de personnes qui avaient cette vision de “Il faut travailler, ça doit payer les factures. Tout n’est pas parfait mais je prends sur moi jusqu’aux prochaines vacances, à la prochaine échéance, et puis je me reposerai à ma retraite”.
J’ai vraiment le sentiment que toute cette vision-là, c’était une ancienne vie professionnelle.
Aujourd’hui, les gens se placent vraiment au cœur de la vie, de l’équation, c’est-à-dire, oui, j’ai conscience qu’il faut que je travaille, bien entendu que je dois trouver un travail épanouissant qui va me remplir plusieurs de mes “vases”, comme j’aime bien le schématiser. Mais pour autant, mon équilibre de vie doit avoir une place importante dans toute cette équation.
Et je trouve qu’il y a eu vraiment un tournant, où avant, on avait ce modèle du travailleur acharné, et aujourd’hui, on a ce modèle de la personne qui veut vraiment s’épanouir dans sa vie professionnelle en s’épanouissant aussi dans sa vie personnelle.
Comment préparer au mieux sa reconversion professionnelle ?
La reconversion professionnelle est une démarche globale
Je remarque qu’il y a un vrai changement, on a des personnes qui ont une approche beaucoup plus globale et systémique de leur reconversion professionnelle.
On se rend compte que le travail n’est plus une fin en soi, il devient un vecteur d’épanouissement.
Au-delà de la situation géographique, du salaire ou de l’intitulé de poste, il y a toute une approche, une approche vraiment systémique, donc c’est vrai que dans les accompagnements, aujourd’hui, on va vraiment prendre le temps d’aller étudier l’entreprise, son écosystème, les valeurs qu’elle prône.
On va aussi aller interroger les professionnels de l’entreprise pour voir dans l’historique des offres d’emploi, quel est le turnover sur les postes, quels sont les enjeux de recrutement, car ils ne sont pas forcément les mêmes quand l’entreprise se lance ou quand elle est en pleine croissance.
En tout cas, on remarque vraiment qu’il y a une démarche holistique pour accompagner la personne et finalement avoir un peu d’avance sur elle pour lui dire : voilà l’environnement dans lequel tu vas mettre les pieds, ce qui se joue, ce qui est attendu.
Est-ce que tu te sens capable, pas seulement sur tes compétences, mais aussi d’un point de vue énergétique ? Est-ce que tu t’es fait de la place émotionnellement, physiquement, au-delà des aspects matériels et financiers sur lesquels on s’attardait davantage avant ?
Le bon moment pour se lancer dans une reconversion : faire de la place pour son projet
Stéphanie : Est-ce que tu penses qu’il y a un moment plus propice qu’un autre pour une reconversion professionnelle ?
Gaëlle : Avec le recul, aujourd’hui, je dirais que oui. Et je suis très affirmée sur mon oui, parce que je me suis rendu compte, en 17 ans d’accompagnement, comme tu le dis à juste titre, le marché du travail évolue. Les besoins et les attentes évoluent.
Quand je parle de faire cette place dans ton écosystème et de te mettre au cœur de l’équation, j’ai remarqué que justement, faire cette place, c’était un point crucial dans la reconversion professionnelle. Avant même de se lancer, pour toutes les personnes qui nous liront aujourd’hui, demandez-vous s’il y a de la place aujourd’hui pour accueillir un nouveau projet dans votre vie.
Il y a des moments plus propices que d’autres parce que parfois, il y a des enjeux et vous n’avez pas forcément l’espace nécessaire pour vous lancer dans une reconversion.
J’aime bien prendre un exemple. Si demain, tu as envie de changer la chambre de ton enfant. Il veut passer à un lit superposé, plus grand, qui va prendre beaucoup de place dans la chambre. Naturellement, tu vas aller acheter un nouveau lit et quand tu vas arriver dans cette nouvelle chambre, il va falloir que tu te fasses de la place pour monter ce nouveau lit.
Donc, ça veut dire que déjà, dans un premier temps, il va falloir démonter le lit actuel, le retirer de l’espace, évaluer de quelle manière tu vas intégrer maintenant ce nouveau lit, parce que peut-être qu’il n’occupe pas le même espace que celui que tu avais jusqu’à maintenant.
C’est une manière schématisée de dire, avant de se lancer dans une reconversion, ça ne se limite pas qu’aux aspects de comment je fais pour démissionner, comment je fais pour dire à mon employeur que je veux partir, et ça y est, je veux me lancer dans un projet de formation ou un projet de création d’entreprise ou de nouvel emploi.
C’est vraiment de se dire, OK, il faut que je me fasse de la place, parce que ça va me demander un investissement en temps, financier, en énergie. Ça va peut-être redistribuer aussi la routine familiale, ou en tout cas modifier mes habitudes dans le foyer.
C’est très important de se faire de la place avant tout projet. Au-delà même de l’aspect professionnel, je pense que c’est nécessaire de se poser les bonnes questions avant d’entreprendre un changement dans sa vie.
Les obstacles d’un quotidien chargé : véritables freins ou excuses ?
Stéphanie : Est-ce qu’on n’a pas le risque, justement, de se dire qu’on n’a pas la place, qu’il y a les facteurs d’âge, de situation familiale, etc. Et de toujours se dire, ce n’est pas le moment ? Est-ce que ça peut, du coup, représenter un obstacle qu’on devrait peut-être franchir ?
Gaëlle : Complètement, et ça fait une grosse résonance avec mon parcours professionnel, parce que j’ai mis dix ans avant d’oser me lancer, parce que, justement, je me disais qu’il n’y avait pas la place.
Je me disais que les enfants étaient petits, que ce serait plus facile quand ils seraient plus grands, ou j’ai un crédit immobilier, donc peut-être que ce sera plus facile quand j’aurai terminé de payer ma maison.
Mais finalement, avec le recul, je me dis que c’est une histoire que je me racontais parce que pour moi, il y a un problème de posture à le voir sous cet angle-là. Parce qu’en fait, se demander si c’est le bon moment et avoir une réponse un peu binaire de oui ou de non, ça ne va pas te faire avancer vers ton objectif.
Si vraiment tu as à cœur d’entreprendre un projet dans ta vie, l’idée ce n’est pas de se dire “Est-ce que c’est le bon moment ?”, mais plutôt :
- Qu’est-ce qui aujourd’hui m’empêche d’atteindre mon objectif ?
- De quelle manière je peux me faire de la place ?
- Qu’est-ce qui va me manquer ?
- Quelles sont les ressources qui sont déjà à ma disposition pour entreprendre ce changement-là ?
Et de cette manière-là, je trouve que la posture, elle est plus saine, elle est plus aidante parce que tu vas pouvoir poser vraiment les jalons et te dire :
- Ok, j’ai ça, ça, et ça qui me permettent d’y aller.
- En revanche, j’ai identifié qu’il y a tel obstacle aujourd’hui, tel frein.
- Maintenant, comment je peux faire pour débloquer cette situation ?
Et là, dans ce cas-là, je trouve que l’idée de se faire de la place, c’est intéressant parce que tu peux rapidement aller identifier ce qui se joue pour toi et ce qui te permet vraiment de surmonter cet obstacle.
L’importance de l’état d’esprit et de l’entourage pour réussir son projet
Stéphanie : Est-ce qu’on peut dire qu’à ce moment-là, ce qui va compter, c’est vraiment la posture de ne pas subir, mais d’être acteur de son projet ?
Gaëlle : Oui, complètement. Je trouve que ça aide finalement de se responsabiliser dans cette équation parce qu’on a tendance, et je me mets dedans parce que j’ai longtemps eu cette posture-là, à identifier des facteurs qui sont extérieurs en fait. Et je ne me mettais pas dans l’équation, donc je ne prenais pas non plus ma part de responsabilité là-dedans.
J’ai mis dix ans avant d’oser me lancer dans l’entrepreneuriat. Je croyais que tout ce qui pouvait venir débloquer la situation venait de ressources extérieures :
- “Oui, mais moi, je ne connais personne qui est entrepreneur”,
- “De toute façon, il faut beaucoup d’argent pour se lancer”.
C’était toujours des choses qui étaient externes, mais je ne me positionnais jamais en me disant :
- D’accord, mais moi, qu’est-ce que je peux faire pour changer la donne ?
- Quelle est ma part de responsabilité dans tout ça ?
- Et quel est finalement le premier pas que moi, je peux aussi entreprendre pour faire évoluer ma vision et l’histoire que je me raconte à l’instant T ?
Donc moi, c’est vrai que, en tout cas pour ma part, c’est quand j’ai vraiment changé mon état d’esprit là-dessus et que j’ai assumé ma part de responsabilité dans mon projet de reconversion professionnelle, que ça a vraiment débloqué la situation.
Et tout de suite, toutes les peurs et les craintes et les croyances que j’avais, j’ai réussi à les accueillir déjà, à les accepter et puis finalement à les remettre aussi à la juste place.
Gérer la peur du changement dans un projet de reconversion
Stéphanie : Ça va être tout un travail à ce moment-là de faire la différence entre un vrai obstacle auquel on va peut-être retrouver des solutions, et des craintes. Je ne vais pas dire des excuses, parce que je trouve qu’il y a un côté péjoratif à dire “Tu te trouves des excuses”. Mais c’est un vrai exercice, un véritable challenge.
Gaëlle : Complètement. Et puis, en plus, je rebondis avec ce que tu dis, parce que ce serait trop facile de dire que ce sont des excuses qu’on se raconte.
En tout cas, pour ma part, j’en étais convaincue. Je m’en rappelle parfaitement. Quand je disais que ce serait plus facile quand mes enfants sont plus grands, parce qu’ils étaient trop petits, c’est ce que je me disais. J’en étais convaincue et ce n’était pas une excuse.
Bien entendu que ça fait peur de se lancer, mais de toute façon, n’importe quel changement dans sa vie, ça fait peur. Moi, je suis plutôt d’avis de dire, c’est bien d’avoir peur parce que ça reste un garde-fou pour nous. Ça évite de prendre des décisions trop hâtives.
Mais d’un autre côté, c’est quand même bien aussi de se poser et se dire :
- D’accord, qu’est-ce que cette peur, elle vient dire ?
- Est-ce que cette peur vient vraiment de moi ? Est-ce qu’elle m’a été déposée par quelqu’un d’autre ?
Rechercher du soutien et de l’inspiration
On n’en a pas forcément parlé, mais je mets aussi un point d’honneur, tout comme la place, à la notion de soutien. D’avoir des personnes autour de toi, de t’entourer de personnes qui t’aident, des gens qui sont peut-être déjà passés par ce chemin-là et qui t’ont prouvé finalement que c’était possible.
Et ne pas toujours regarder les success stories ou l’histoire de 0,01% de cette planète de “J’ai réussi à générer des milliards en partant de rien”. Très bien, c’est inspirant si tu veux. Mais par rapport à la majorité de la population, c’est bien aussi de s’entourer de personnes qui viennent peut-être du même milieu que toi et qui vont te prouver qu’étape par étape, tu peux avancer et faire un premier pas déjà vers ton objectif.
Stéphanie : C’est intéressant, c’est un vrai sujet que je retrouve chez les créateurs d’entreprises souvent. Je pense tout particulièrement aux fonctionnaires par exemple, parce que c’est vraiment l’extrême par rapport à l’entrepreneuriat.
Et le fait d’être dans un certain milieu où ce n’est pas dans l’état d’esprit, en fait, on a l’impression que ça n’existe pas et presque que c’est mal. Toute décision que tu vas prendre au niveau professionnel, c’est trop risqué, etc. C’est dommage quand ça devient ta vérité alors que toi, tu as un super projet.
Gaëlle : Et c’est vrai que c’est difficile, d’autant plus dans ce secteur-là, parmi les fonctionnaires, j’ai eu beaucoup de personnes qui m’ont contactée et qui se sentaient emprisonnées, vraiment pour reprendre leur terme.
Elles avaient envie de changement, cette quête de sens. Sauf qu’elles se disaient, mais mince, je n’ai aucun repère, je n’ai personne autour de moi qui me montre que c’est possible parce que mon employeur me refuse cette liberté-là. Et pourtant, on connaît finalement des gens qui ont réussi à s’en sortir.
Je fais vraiment le parallèle avec ce que tu proposes [NDLR : un programme spécifique pour les fonctionnaires, en parallèle de la formation dédiée à l’administratif de la micro-entreprise]. Je trouve que c’est formidable de leur montrer que oui, c’est possible, qu’il faut se renseigner, qu’il faut se mettre en sécurité, surtout, et que c’est étape par étape.
Et oui, peut-être que ça ne sera pas en deux semaines, en trois mois, mais pour autant, ça se prépare, une reconversion.
Souvent, c’est ce que je dis et parmi les gens que j’accompagne, j’en ai aussi qui sont très lucides par rapport à ça et qui ne viennent pas avec cette pression de « Il faut absolument que je change là tout de suite, maintenant. »
Il y a aussi vraiment cette notion d’avoir conscience que ça y est, j’arrive à la fin d’un cycle dans mon entreprise, j’ai envie de partir, mais je veux préparer ma sortie sereinement. Et du coup, ils se donnent des échéances sur un an, voire deux ans pour construire le projet.
Et je trouve que ça aussi, ça vient finalement abaisser le niveau de pression que l’on peut se mettre, déjà soi-même, mais aussi le niveau de pression que l’entourage peut nous mettre.
Se reconvertir, oui mais pour quel projet ?
Comment se réorienter quand on ne sait pas quoi faire
Quand on parle d’un projet de reconversion, souvent on va voir le cas des personnes qui exercent déjà leur métier depuis des années et qui vont s’orienter vers le même métier de manière indépendante, par exemple.
Mais pour d’autres, ça peut être vraiment une reconversion complète où on n’a aucune idée de ce que l’on veut faire. On se pose plein de questions, on se dit :
- Mais qu’est-ce que je pourrais faire après ?
- Qu’est-ce qui me ferait vraiment envie ?
Là, encore une fois, c’est le travail sur soi. Et il n’y a pas de recette miracle ni de solution toute faite.
Je vois beaucoup de personnes qui disent “Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas dans quel domaine je veux aller”.
Mais c’est aussi tout le travail de reconstruction de soi, d’aller se questionner sur ses aspirations profondes, ses valeurs, ce qui nous fait plaisir et ce qui nous donne du sens, ce qui est important pour nous.
Il peut y avoir beaucoup de choses à travailler et à explorer, mais en tout cas, il n’y a pas de réponse toute faite. Et parfois, c’est vrai qu’il faut accepter de passer par un processus où on ne sait pas tout de suite.
Et puis, à un moment donné, la réponse va venir et il y a aussi beaucoup de gens qui se trouvent, au fur et à mesure de l’exploration, de nouvelles opportunités qui se présentent.
L’entrepreneuriat, une solution universelle ?
Stéphanie : Je trouve cette question d’autant plus importante que, depuis quelques années, on observe un essor de l’entrepreneuriat souvent présenté comme la solution pour gagner plus, être libre, et donner du sens à son travail.
Alors, je ne dis pas que tout ça est faux, mais est-ce vraiment une solution à encourager lorsqu’on se questionne sur une reconversion professionnelle ?
Gaëlle : Honnêtement, je dirais que non, par rapport à tous les entretiens que j’ai eus ces quatre dernières années. C’est super que tu mettes en lumière ce parallèle salariat versus entrepreneuriat, je vois trop de personnes laisser entendre que si ça ne va plus dans le salariat, il faut entreprendre.
Sauf que tout le monde n’a pas envie d’entreprendre et tout le monde n’est pas fait pour cela. En tout cas, je le vis depuis quatre ans et, oui, je pourrais donner mille raisons pour dire que ça peut être chouette d’entreprendre, mais je pourrais aussi trouver mille et une autres raisons pour te dire que ce n’est pas non plus le monde des bisounours.
Tout le monde n’a pas forcément envie ou n’est pas nécessairement prêt à gérer son stress ou l’incertitude financière. Dans le monde du coaching, notre plus grande douleur est aussi de trouver des clients. Donc ça, c’est une vérité.
Je ne mets jamais de paillettes dans les yeux de ceux que j’accompagne et qui veulent se lancer dans le coaching. Mais tout ça pour dire que ça se joue aussi sur d’autres aspects.
J’ai eu une personne qui me disait vouloir un poste full télétravail (TAD). En creusant dans l’accompagnement, on a découvert que cette personne pensait que le TAD serait plus simple pour elle, lui éviterait de gérer des conflits en étant seule à la maison. En fait, le risque est de créer une forme d’isolement.
Si tu laisses cette demande et que tu cherches juste un poste TAD sans traiter le problème de fond, à savoir comment gérer les tensions et les émotions face aux conflits, tu n’accompagnes pas la personne dans la bonne direction. Tu nourris sa peur et sa croyance que la vie serait plus saine professionnellement si chacun travaillait de manière isolée chez soi.
L’isolement, un facteur à prendre en compte
Stéphanie : C’est un vrai sujet. Chez les freelances, par exemple, beaucoup travaillent seuls chez eux, et l’isolement est une difficulté sur le long terme.
Gaëlle : Je l’ai vécu quand j’ai quitté le salariat pour monter mon entreprise. Ma première année a été extrêmement difficile. J’ai mis du temps à m’adapter à ce nouveau format, à être seule, sans échanges. Pour quelqu’un comme moi qui adore les interactions, cela a été très douloureux.
Pourtant, c’était une nouvelle vie que j’avais choisie, que j’assumais, et il n’était pas question pour moi de retourner au salariat. Mais clairement, j’ai dû prendre à bras le corps ce sujet et trouver des moyens pour favoriser des interactions et des échanges réguliers avec d’autres entrepreneurs.
Stéphanie : Je pense à certains auditeurs qui se disent, au contraire, que c’est le rêve ! La personnalité joue beaucoup dans ces choix de carrière.
Gaëlle : Honnêtement, je sais que je suis une vraie pipelette, donc ce n’est pas possible pour moi d’être seule. J’ai toujours dit pour l’ensemble de Quête 2 Sens Pro que je ne serais pas seule dans mon entreprise, et je me suis entourée. Aujourd’hui, nous sommes trois.
L’importance de mener une réflexion globale et personnelle
À chacun ses propres critères
C’est hyper important pour moi que la personne se connaisse. Parce que du coup, tu sais exactement ce qui est acceptable ou pas pour toi. C’est toujours un jeu d’équilibre.
Pour donner un exemple concret, parmi une de mes clientes. On a pu mettre en lumière que pour elle, il y avait un critère qui était indispensable pour qu’elle puisse occuper sa fonction pleinement, c’était qu’elle ait une vue sur l’extérieur, sur la nature, depuis son bureau. Ça l’aidait à se concentrer, notamment.
Sur un des postes qu’elle convoitait, dans l’annonce, il y avait tous ses critères. Au moment de l’entretien, ils lui font la visite de son bureau et là, elle voit qu’elle est dans un bureau fermé, mais il n’y a pas de fenêtre, pas d’extérieur. Là, c’est l’hécatombe pour elle, parce que dans son processus de recrutement, elle ne l’a appris que sur la fin.
Ça a été la grosse douche froide de se dire, mince, le poste en question répond à tous mes critères sur le papier. Mais là… Tous les jours, au quotidien, venir dans cet environnement-là, je sais que ça sera en dissonance avec mes besoins. Et que ça va forcément avoir des conséquences sur ma fonction et sur mes objectifs, en tout cas sur les attentes de l’entreprise.
Donc là, tu vois, il y a un vrai questionnement à avoir et se demander : qu’est-ce que je fais ? Je renonce ou j’y vais ? Et qu’est-ce que je peux faire à mon niveau ? Et comment je peux échanger ? Et si finalement, ça ne va pas dans mon sens, est-ce que je suis OK de renoncer au poste ?
C’est là toute la complexité de l’humain. Nos attentes ne sont pas les mêmes que celles du voisin.
Mais c’est en se connaissant aussi et en sachant tout ça qu’on arrive déjà même à poser nos propres limites de ce que l’on veut dans ce projet de reconversion. Ça commence déjà par se fixer aussi son propre cadre pour savoir ce que l’on veut pour la suite.
Les questions essentielles à se poser avant d’entamer un projet de reconversion professionnelle
Déjà, je dirais que la première, c’est de venir s’interroger émotionnellement. Tu sais, c’est un peu ta météo interne de dire, OK, comment je me sens aujourd’hui ? Comment ça va ? Qu’est-ce que ça vient dire, finalement, cette sensation de vouloir partir ?
Comme je le disais un petit peu plus tôt : Est-ce que j’ai vraiment le sentiment d’avoir fait le tour et j’ai besoin d’aller me challenger et d’être nourrie autrement ? Est-ce que c’est vraiment, je ne suis plus forcément passionnée par mon métier ? Ou sans forcément parler de passion, est-ce que je n’ai plus un grand intérêt pour ce que je fais aujourd’hui ?
Ou alors, est-ce qu’il y a une forme, entre guillemets, de fuite par rapport à une situation, par rapport à un événement soudain ? Et on se dit que peut-être quitter cet environnement-là, ça faciliterait notre quotidien.
Ensuite, je partirais sur cette question : que viennent dire vos émotions ? Pour ceux qui diraient oui, je pense vraiment que la solution, c’est de partir. C’est aussi de se demander, est-ce que demain, en s’imaginant que là, vous quittez cette entreprise, ça va vraiment… solutionner votre problème et la problématique du moment.
Ça, parfois, ça peut aider à vraiment se dire, si on est honnête avec soi-même, à se dire : OK, est-ce que je ne cherche pas à fuir une situation conflictuelle ou est-ce que c’est vraiment plus un intérêt pour un nouveau statut, un nouveau poste, en tout cas pour une nouvelle vie professionnelle qui se joue ?
Et troisièmement, je dirais encore la notion de place. Est-ce que j’ai suffisamment de place aujourd’hui pour accueillir ce nouveau projet professionnel ? Mais plutôt, comme je le disais un peu plus tôt, de se dire oui ou non.
C’est vraiment ensuite : est-ce que je peux me faire de la place ? Qu’est-ce qui m’empêche de me faire de la place ? De quoi j’ai besoin pour me faire cette place ? Et là, on peut commencer à entreprendre un premier pas.
Et le premier pas, ça peut être aussi de commencer à se renseigner sur les professionnels qui existent aujourd’hui dans le milieu de la reconversion professionnelle et d’aller s’interroger sur ce qu’ils proposent. Parce qu’après, il y a aussi l’enjeu de trouver le bon professionnel.
Mine de rien, entre tous les coachs, tous les conseillers, l’accompagnement professionnel, toutes les structures et tous les acteurs aujourd’hui qui existent sur le marché de la reconversion, c’est vrai que ce n’était pas évident aussi de trouver la bonne personne.
Il y a des dispositifs pour aider dans ce parcours de reconversion professionnelle ?
Alors, il existe différents dispositifs, effectivement, en amont de la reconversion professionnelle et même après.
Il y a le projet de transition professionnelle qui était anciennement le CIF, le congé individuel de formation, qui permet de s’absenter de son poste si tu as pour vocation de partir sur un besoin de formation longue, par exemple.
Il y a aussi la VAE, la validation des acquis de l’expérience, qui permet de reconnaître officiellement les compétences que tu as acquises durant ton expérience professionnelle.
Tu as des aides proposées par France Travail pour les demandeurs d’emploi, comme l’aide individuelle à la formation. Tu as aussi le bilan de compétences que beaucoup connaissent, souvent conseillé pour les gens qui se disent : « Je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie professionnelle et vers quoi je peux me tourner. »
Mais il existe plein d’autres formats aujourd’hui. Par exemple, j’ai lancé aussi un format plus court qui permet aux gens d’avoir des réponses rapidement parce que c’est vrai que le bilan de compétences est un accompagnement long qui nécessite toute une phase d’introspection.
Les dispositifs et les moyens évoluent aussi, et ça c’est bien parce qu’il y a plus de flexibilité aujourd’hui. Ça répond vraiment à l’air du temps.
J’ai de plus en plus de personnes qui veulent des réponses rapides. J’ai toujours aussi des gens qui veulent faire un travail d’introspection, apprendre à se connaître et retirer un peu toutes les étiquettes qu’on leur a collées et se dire : « OK, sans être la mère de, la fille de, la femme de, en fait, qu’est-ce que je veux là aujourd’hui ? ».
Et donc, le bilan de compétences est un bon dispositif pour ça. Mais c’est vrai qu’il y a plein d’autres formats d’accompagnement, de formation, de coachings qui permettent aussi d’avoir des réponses sur sa carrière.
Et en termes d’aide, il y a aussi tous les dispositifs qui sont liés à des projets de création d’entreprise comme l’ACRE (aide à la création ou reprise d’entreprise). Il y a aussi des dispositifs pour ceux qui n’ont pas encore pris leur décision mais qui, malheureusement, viennent de perdre leur activité et ont été licenciés dans leur entreprise, notamment les licenciements économiques.
Donc, il y a des dispositifs autour du CSP (contrat de sécurisation professionnelle) aussi, pour permettre un accompagnement personnalisé et les aider justement à préparer cette reconversion.
Il faut aussi se renseigner sur les dispositifs de sa région, parce qu’en plus, d’un bassin à un autre, on a parfois des subtilités dans les dispositifs ou dans les aides. Il y a des accompagnements spécifiques pour des solopreneurs, pour les femmes… Donc voilà, il existe quand même pas mal d’aides en France. Et ça, c’est quand même une chance quand on veut se lancer dans une reconversion professionnelle.
Et le point de départ, ça peut être de se faire accompagner, même pour être guidé dans la découverte de ces dispositifs, parce que c’est vrai qu’on ne sait pas toujours où chercher et comprendre en quoi ça consiste. Ça peut même être l’objet d’un accompagnement pour déjà trouver le bon dispositif selon son objectif.
Le parcours de reconversion de Gaëlle
Quel a été ton déclic pour entreprendre ? Pourquoi es-tu devenue indépendante plutôt que simplement de changer de structure ?
Très intéressante, ta question. Tout à l’heure, je disais que j’ai mis dix ans avant d’entreprendre pour oser me lancer. Il y a une phrase qui ne m’a jamais lâchée quand j’étais salariée, c’était : « Renoncer, c’est gagner ». J’ai grandi avec une mère qui m’a toujours dit : « Les plus gênés s’en vont ». Et elle m’a déposé cette petite graine quand j’étais très jeune.
Je n’ai jamais eu peur de partir des entreprises dès lors que je ne me sentais plus forcément à ma place. J’ai connu le bore-out, quand on s’ennuie au travail et que vraiment une minute, tu as l’impression que c’est une heure. J’ai connu plein de formats dans l’insertion professionnelle, parce que j’ai toujours évolué dans ce milieu.
Donc, j’ai toujours eu la sensation que j’étais au bon endroit au niveau de mon métier parce que je suis une vraie passionnée par l’accompagnement. Mais je me suis toujours trouvée instable professionnellement quand j’étais dans le salariat parce que je n’avais pas peur de partir dès que ça ne me plaisait plus ou que j’avais le sentiment d’avoir fait le tour.
Avec le recul, je sais que je n’étais pas faite pour le salariat, et maintenant je sais que je suis à la bonne place.
Et en fait, le déclic, ça a été en 2020, où j’ai eu une épreuve personnelle qui a été très douloureuse. J’ai perdu mon meilleur ami d’un cancer. Ça m’a fait l’effet d’un électrochoc parce que je me suis dit : « Mince, si jeune, tout peut s’arrêter du jour au lendemain ? Moi, j’ai l’impression d’être en quête d’une réussite professionnelle et d’être ce hamster qui court dans la roue sans avoir de réponses ».
Et cet événement m’a permis de me dire : « Bon, il est peut-être temps que je m’autorise à me poser et à me demander ce qui est juste pour moi ». Et en fait, mon déclic a été de me dire : « OK, soit tu continues dans ce format-là et tu continueras à ne pas te sentir sereine et en paix avec ta carrière professionnelle, soit tu oses te poser et te donner du temps pour toi ».
Je pense que pour la première fois de ma vie, je me suis posée et je me suis donné du temps pour y réfléchir.
Les obstacles rencontrés en se lançant dans l’entrepreneuriat
Déjà, je commencerais par l’obstacle financier. Parce que moi, c’était ma plus grande crainte en me lançant, de me dire, est-ce que je vais pouvoir gérer la trésorerie ? Est-ce que j’ai suffisamment de capital pour me lancer ?
Aujourd’hui, j’insiste sur l’importance de se constituer un fonds d’urgence, savoir réellement de combien on a besoin sur son projet, de connaître précisément toutes les charges et tous les engagements financiers que l’on a avant de se lancer. Parce que plus on est précis, plus ça évite d’être nourri par cette peur qui peut te freiner à te lancer.
Moi, en tout cas, n’ayant pas reçu forcément d’éducation financière là-dessus, ça a été mon premier obstacle : vraiment gérer la peur du manque.
Après, le deuxième obstacle, ça a été d’un point de vue administratif, juridique. Parce que moi, je déteste la paperasse ! Je fais un clin d’œil à J’aime la paperasse, mais c’est vrai que du coup, quand j’ai découvert ce que tu faisais, je me suis dit « waouh, mais c’est formidable en fait ! Quelqu’un qui nous aide sur la complexité de nos démarches administratives, mais c’est génial. »
J’ai vraiment grandi là-dessus, mais il y a quatre ans, c’était un vrai point de douleur. Je ne me sentais pas suffisamment rigoureuse pour pouvoir gérer cette charge administrative. C’est d’ailleurs pour ça qu’on m’avait orientée vers le statut de la micro-entreprise, en me disant, tu verras, c’est simplifié, ça sera moins complexe. Mais pour autant, ça n’avait pas enlevé mes peurs.
Et en plus, comme j’avais pour projet de lancer mon organisme de formation, à chaque fois que j’en parlais dans mon entourage, je comprenais bien qu’il fallait que je sois préparée et prête pour gérer justement la partie administrative et juridique.
Et après, je dirais que les autres obstacles qui sont propres aux entrepreneurs sont aussi après d’ordre personnel, émotionnel et psychologique. Parce que l’entrepreneuriat, c’est les montagnes russes, donc la gestion de son stress, comment tu fais face aux incertitudes, comment tu fais face au dernier décret, au changement de loi, et encore une fois, comment tu trouves aussi ton équilibre de vie dans tout cet écosystème.
C’est pour ça que je reviens encore à cette notion de soutien et de se poser les bonnes questions. Et de se dire « J’ai identifié qu’il y a ces obstacles-là, rien que d’y penser, ça me file de l’urticaire. Comment je peux faire pour être accompagnée et avancer quand même sereinement dans mon projet ? »
Se reconvertir vers la création d’entreprise, c’est se préparer à relever des défis
Tu penses qu’on peut être vraiment prêt sur ces questions ?
Pour moi, oui, quand même, ça mérite de se poser la question et de s’y préparer parce qu’il y a peut-être des choses qui peuvent vraiment abaisser ton niveau de peur.
Après, j’ai compris que ces obstacles, ce sont plutôt des défis. Et je me rassure en me disant que finalement, je sais faire. Je sais avoir la bonne démarche, je sais avoir la bonne posture, je sais me poser les bonnes questions.
Et plutôt que de me nourrir de la peur et d’être paralysée, de ne pas avancer sur le sujet ou de fermer les yeux et de dire « non, non, je ne vois pas de quoi on parle » et de mettre des œillères, ça me permet finalement d’avoir une démarche plus entreprenante face à mes peurs en me disant « OK, là il se joue ça pour moi, comment je peux faire ? Qui est déjà passé par là ? Comment je m’entoure ? »
Moi, j’avoue que j’ai un mot d’ordre aujourd’hui : c’est « je demande de l’aide ». Je n’ai pas peur de dire que je ne sais pas ou que ce sujet-là, il ne me génère pas des bonnes émotions. Est-ce que toi, tu y as déjà été confronté ? Est-ce que tu peux m’aider ? Est-ce que tu as des tips, des conseils ? Je trouve que ça aide énormément. Oui, en quelque sorte, on peut être préparé. Ça permet de poser des fondations solides.
L’entrepreneuriat, une aventure qui fait grandir
À mesure qu’on avance, les peurs, les obstacles, les défis, ils sont là mais dans une autre mesure.
Mais en tout cas, je me rends compte qu’on sait faire. Et c’est vraiment ça que j’ai envie de transmettre : on est capable de bien plus qu’on peut l’imaginer.
Mais il faut accepter parfois que le chemin soit peut-être un peu plus lent, un peu plus long que d’autres. Et ça permet aussi de venir nourrir la patience.
Je parle beaucoup de cultiver cette patience parce qu’on est dans une ère aujourd’hui où tout va vite, où on a l’impression que tout le monde réussit rapidement et on ne parle pas suffisamment de tout ce cheminement et de tout ce par quoi on passe.
Donc j’aime échanger sur vraiment toutes ces étapes de la reconversion, de comment oser se lancer, de par quoi il faut passer, et cette notion de place et d’espace, parce qu’on a trop souvent l’impression que ça se fait tout seul. Personne ne nous dit toute la phase d’exploration et toutes les coulisses de cette transformation.
Oser en tant que femme, un défi supplémentaire
Stéphanie : On n’a pas du tout abordé la question des femmes. J’ai vraiment l’impression que c’est particulièrement difficile pour les femmes de se projeter, de s’autoriser à rêver d’un projet et de le mettre en œuvre. Et encore plus si on parle d’un grand projet, on a ce côté souvent de la bonne élève qui ne fait pas trop de vagues et qui remplit bien toutes les cases. Est-ce une difficulté supplémentaire que tu observes ?
Gaëlle : Alors oui, même si je vais dire, 8 personnes sur 10 que j’accompagne sont des femmes. Donc on pourrait se demander si les femmes sont plus audacieuses que les hommes ? Je n’en sais rien. Mais il est vrai qu’il y a cette question de s’autoriser.
J’ai beaucoup de femmes que j’accompagne qui ne s’autorisent pas :
- Qui ne s’autorisent pas à rêver suffisamment grand,
- Qui ne s’autorisent pas même à verbaliser qu’elles ont un atout, une expertise de plus en plus, qu’elles ont une valeur ajoutée qui n’est pas du même niveau que d’autres.
Et en fait, les femmes se minimisent énormément. Elles n’osent pas libérer pleinement leur potentiel, elles n’osent pas prendre leur place.
Et déjà s’autoriser à faire des choses, à faire différemment, à aller à contre-courant, c’est déjà un sacré défi pour les femmes.
Un dernier conseil à celles et ceux qui hésitent à réaliser leur projet de reconversion professionnelle
Stéphanie : Alors pour les lectrices en particulier (mais également les lecteurs, restez quand même avec nous), qui rêvent d’une autre carrière et qui n’osent pas se lancer : quel conseil leur donnerais-tu ?
Gaëlle : Je terminerais en disant : oser. Oser faire le premier pas.
En fait, pas forcément oser se lancer, démissionner et tout plaquer, non, mais oser faire ce premier pas qui va vous rapprocher déjà de votre objectif, de votre projet de vie.
Parce que pour moi, cultiver ce courage-là, c’est déjà entreprendre votre vie, c’est reprendre la main sur votre carrière.
Donc, si pour vous, ça vous semble difficile et que pour faire ce premier pas et oser, vous avez besoin d’avoir des personnes qui soient à vos côtés, assumez-le. Il n’y a pas de honte ni de mal à dire : j’ai besoin d’aide. Mais vraiment, faites-le, parce que pour toutes les personnes que j’ai accompagnées qui ont franchi ce pas-là, le retour est le même à chaque fois : qu’est-ce que je regretterais de ne pas l’avoir fait.
Retrouve Gaëlle sur son site quete2senspro.fr et sur LinkedIn, où elle est Top Voice 2024 :
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