L’administratif, le droit, c’est tout sauf figé : chaque année apporte son lot de changements. Certaines années plus que d’autres ! Zoom sur 2022 et ses principales nouveautés. En pratique, qu’est-ce qui change pour les autoentrepreneurs en 2022 ?
1 | L’EIRL, c’est fini (ou presque)
La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, c’est-à-dire la loi qui traduit le “Plan indépendants” présenté par le gouvernement fin 2021, apporte une notion de “statut unique”. Attention, il ne faut pas prêter à cette expression des intentions qui iraient au-delà de l’esprit de la loi.
Il n’est absolument pas question de créer un statut universel pour tous les travailleurs indépendants. Les sociétés continuent d’exister comme avant : EURL, SARL, SAS, SASU, etc.
Ce qui change, c’est la disparition de l’option “EIRL”, l’entreprise individuelle à responsabilité limitée. Il s’agit d’un statut un peu hybride, un aménagement de l’entreprise individuelle.
Explications.
Avant l’application de cette loi, en principe, l’entrepreneur individuel a un patrimoine unique, qui mélange ce qui relève de sa vie personnelle et ce qui est propre à son activité. La conséquence, c’est qu’une dette personnelle peut être payée en saisissant des biens professionnels et inversement.
Cette règle devient encore plus délicate pour les couples mariés, puisque le régime de la communauté reste la règle la plus courante (communauté réduite aux acquêts, précisément), donc c’est le patrimoine commun des époux qui peut se trouver menacé.
Pour mieux protéger le travailleur indépendant, quelques règles ont été prévues au fil du temps :
- La résidence principale est insaisissable par défaut, sans avoir la moindre démarche à réaliser.
- L’EIRL consiste à déclarer devant notaire un patrimoine professionnel distinct de son patrimoine privé, pour que les dettes professionnelles ne puissent être soldées que sur l’actif de l’entreprise.
Alors, pourquoi supprimer une option qui était à l’avantage du travailleur indépendant et qui le protégeait un peu mieux ?
Cette option hybride n’a jamais connu de succès… Entre la démarche et les contraintes de gestion, les entrepreneurs partaient plutôt soit pour l’entreprise individuelle classique, y compris en micro-entreprise, soit pour une société comme l’EURL ou la SASU, qui permet de créer une entité autonome qui est responsable de ses propres dettes, sans impliquer son dirigeant. Il y a évidemment des limites, mais je simplifie volontairement pour faire ressortir les grandes différences.
Alors ce qui a été décidé pour 2022, ce n’est pas d’enlever cette option, mais de l’étendre en quelque sorte à tous les entrepreneurs individuels. Désormais, la responsabilité de l’indépendant sera limitée à ses biens professionnels : il ne sera pas possible de saisir ses biens personnels, sauf s’il renonce à cette protection.
Bien sûr, ce sera toujours à considérer avec quelques nuances. Il n’est pas rare de devoir donner des garanties sur son patrimoine personnel pour bénéficier d’un financement professionnel, par exemple.
Et reste la question de définir ce qui relève des biens professionnels ou personnels, une question pas si évidente selon le cas. La loi prévoit en effet que les biens mixtes, c’est-à-dire ceux qui sont utilisés à la fois pour les besoins personnels et professionnels, ne bénéficient pas de cette protection.
Cette disposition entre en vigueur le 14 mai 2022, pour les entreprises créées après cette date, et pour les nouvelles dettes des entreprises créées avant cette date.
Attention : La loi ouvre en même temps aux entrepreneurs individuels la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés… Ce n’est pas compatible avec la micro-entreprise !
2 | Suppression du délai de 90 jours
Quand un indépendant ouvre sa micro-entreprise, il ne peut pas déclarer immédiatement ses premières recettes. La déclaration de chiffre d’affaires est ouverte seulement après un délai minimum de 90 jours.
En pratique, cela donne des décalages parfois très importants, avec la première déclaration de chiffre d’affaires qui intervient 3, 4 ou même jusqu’à 6 mois plus tard en cas d’option pour la déclaration trimestrielle.
Pour rappel, avec le régime de la micro-entreprise, on ne paie des cotisations que sur le chiffre d’affaires encaissé. Donc l’argent qui doit sortir au moment de payer ses cotisations… on l’a forcément déjà encaissé à un moment donné (et ce n’est pas le cas pour toutes les formes d’entreprises, loin de là !).
Mais ce décalage représente tout de même des inconvénients. Du point de vue de la trésorerie que l’on est obligé de gérer de façon plus attentive pour tenir compte de la grosse sortie d’argent à venir (et on ne parle même pas de l’effet psychologique !), mais aussi d’un point de vue pratique.
Qui dit absence de déclaration dit absence de justificatif de chiffre d’affaires. Si pour une raison quelconque on doit justifier ses revenus, par exemple à Pôle Emploi au moment de son actualisation mensuelle, on est bien embêté de ne pas pouvoir fournir la copie de sa déclaration.
Tous ces problèmes devraient disparaître à partir de 2022. Mais comme souvent, c’est une information à prendre avec quelques pincettes. Ce qui va effectivement être supprimé, c’est ce délai obligatoire de minimum 90 jours entre la création d’entreprise et la première déclaration de chiffre d’affaires.
Mais en pratique, la création d’entreprise n’est pas instantanée. Elle peut demander plusieurs semaines de traitement en fonction du centre de formalités des entreprises, donc décaler la première déclaration de chiffre d’affaires et l’obtention d’un justificatif de revenus.
Dans la même lignée, l’attestation de vigilance pourra désormais être téléchargée dès la création d’entreprise. Cette attestation, c’est le document de l’URSSAF qui vous permet de prouver que vous êtes à jour de vos cotisations sociales, et qui est exigée pour les marchés publics, les appels d’offres ou dans les relations de sous-traitance.
3 | Un délai supplémentaire pour changer de régime
Autre grand changement de 2022, le délai pour changer de régime sera désormais plus large. Par changement de régime, il faut entendre : passer de micro à un régime réel ou l’inverse.
Revenons d’abord au contexte. Lorsqu’une entreprise est créée, elle est placée d’office en micro-fiscal, à moins d’indiquer le contraire en optant pour le réel normal ou réel simplifié). La principale différence entre les deux réside dans le mode de calcul de l’impôt.
En micro, on déclarer simplement son chiffre d’affaires et l’impôt est calculé de façon forfaitaire, soit en appliquant un petit pourcentage grâce au système du versement libératoire (de 1 à 2,2 % du chiffre d’affaires), soit en déduisant un abattement forfaitaire qui représente les charges (34, 50 ou 71 % selon l’activité).
Le régime réel, comme son nom l’indique, consiste au contraire à calculer l’impôt sur le vrai bénéfice, une fois qu’on a déduit les vraies charges. Et donc on paie l’impôt sur le bénéfice réel de l’entreprise.
Jusque là, pour passer de l’un à l’autre, il fallait en informer son service des impôts des entreprises avant le 1er février de l’année concernée, sauf pour les activités libérales qui bénéficiaient déjà d’un délai étendu.
Désormais, les indépendants qui ont une activité commerciale ou artisanale auront jusqu’à la date limite de dépôt des déclarations annuelles pour changer de régime, c’est-à-dire soit opter pour le réel soit renoncer à l’option et repasser en micro. Donc en 2022, cela donne une date limite au 3 mai.
L’avantage, c’est que cela laisse le temps de faire un point sur ses chiffres de l’année précédente, voire du début d’année en cours, pour prendre une décision éclairée.
4 | Les autres mesures pour l’année 2022
Nous nous sommes arrêtés sur 3 mesures phares qui concernent les micro-entrepreneurs mais d’autres changements ont été prévus cette année, notamment par le plan indépendants :
- La simplification du passage d’entreprise individuelle à société, en facilitant la transmission du patrimoine. À partir de 2022, cette transmission pourra être réalisée en une seule opération au lieu d’une transmission bien par bien et contrat par contrat jusqu’à maintenant. Mais de toute façon, c’est un moment clé où l’accompagnement par un professionnel est indispensable.
- La création de nouveaux sites d’information et de démarches à destination des indépendants. La mise en place est progressive et n’entraîne pas de changement majeur pour les micro-entrepreneurs aujourd’hui… Mais tout devrait être opérationnel pour 2023 donc on aura le temps de refaire un point sur ce sujet.
- L’assouplissement de l’éligibilité à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI). Désormais, le critère de liquidation judiciaire pourra être remplacé par la cessation d’une activité non viable économiquement (avec une perte de revenus d’au moins 30 %), et le critère de revenus minimum de 10 000 € est appliqué sur l’une des deux dernières années. Pour rappel, il s’agit d’une aide de 600 à 800 € par mois versée pendant 6 mois.
- Les fonds d’assurance formation (FAF), c’est-à-dire les financeurs qui prennent en charge la formation des indépendants, connaissent quelques changements de compétence, de formations éligibles aux prises en charge ou encore de montants maximum. Nous y reviendrons dans un article dédié.
5 | Retour sur quelques mesures de l’année 2021
Avant de terminer cette présentation, j’aimerais revenir sur quelques changements qui ont eu lieu en 2021 et qui méritent d’être connus.
Le droit aux indemnités journalières
Différents changements ont eu lieu entre ces dernières années, et les professionnels libéraux ont désormais droit aux indemnités journalières en cas d’arrêt maladie. Les conditions pour en bénéficier et leurs montants diffèrent selon l’activité, y compris pour un même statut d’autoentrepreneur.
Les cotisations sociales des micro-entrepreneurs qui relèvent de la CIPAV ont augmenté lors de l’entrée en vigueur de cette mesure, le 1er juillet 2021, avec un taux de cotisations de 22,2 % au lieu de 22 % pour les autres professionnels libéraux.
Exonération de CFE prolongée
Les entreprises sont automatiquement exonérées de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour l’année civile de leur création. Désormais, cette exonération peut être de 4 ans au lieu d’un an, à la double condition que ce dispositif ait été voté par la commune ou communauté de communes, et de l’avoir demandée, donc en pratique d’avoir coché la case correspondant sur l’imprimé 1447-C, la déclaration initiale de CFE.
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